L’éveil sexuel hypoactif, ou chute de libido, est la raison principale pour laquelle les couples se décident à pousser la porte du cabinet d’un sexologue. Culpabilité et frustration règnent en maîtres : « Quelque chose ne tourne pas rond ».
Pourtant, bien souvent, on constate qu’un décalage dans la manifestation du désir ne devient problématique que par l’interprétation que nous lui donnons.
Prenons l’exemple d’un couple rencontré en thérapie. Dans leur relation, Monsieur "ne pense jamais au sexe" bien qu’il y prenne beaucoup de plaisir une fois le rapport engagé. Madame initie systématiquement les rapports sexuels, à un tel point qu’elle ne se sent plus désirable. Si elle ne lui fait pas d’avance, il peut se passer des mois sans rapport sexuel. Son amour propre en prend un coup. Quant à Monsieur, bien qu’il affirme se sentir comblé sexuellement, il commence à s’inquiéter sérieusement de son propre "manque de spontanéité" .
Qui est responsable de cette situation ? La réponse est personne.
Le désir sexuel est un terme parapluie qui recouvre une multitude de concepts. Tantôt précurseur des avances sexuelles, tantôt aspect cognitif de l’excitation, les confusions font de lui un coupable idéal dès que le couple peine à trouver un équilibre. Qu'en est-il réellement ?
Le ‘’désir sexuel spontané’’, comme son nom l’indique, apparaîtrait subitement au cours de la journée. Il semble se vivre sur l’intensité du moment. Écrasés par les dictas de notre société hyper-sexualisée, on se limite souvent à cette conception du désir très répandue depuis les années 70. Pour beaucoup, un éveil brûlant « ici et maintenant » est le modèle érotique auquel il faut correspondre.
Toutefois, d'après les études auto-rapportées, la majorité des hommes et des femmes éprouvent généralement une autre forme de désir. Dans les théories classiques, on distinguait alors l'envie sexuelle spontanée du ‘’désir sexuel réactif’’. Ce dernier survient en réponse à une stimulation sexuelle adaptée qui peut être initiée par notre partenaire ou par nos soins. Ainsi, pour activer le mode sexy, il nous faut rencontrer une sollicitation sexuelle particulière.
Plusieurs chercheurs et auteurs actuels contestent néanmoins ce modèle binaire dans lequel s'opposent un désir sauvage et un désir préparé. Ils suggèrent à la place que nous fonctionnons tous et toutes sur un mode strictement réactif. En réalité, notre motivation sexuelle proviendrait toujours d’une compilation de déclencheurs, internes et externes, qui nous mettent en appétit au cours de la journée et dont nous n’avons pas forcément conscience.
Autrement dit, l’éveil sexuel ‘’spontané’’ ne serait désigné comme tel par ceux qui en font l'expérience qu'en raison de leur incapacité à percevoir consciemment certaines stimulations sexuelles.
Dans cette perspective, le désir sexuel peut être induit par une infinité de facteurs. Chaque individu y répond spécifiquement et avec plus ou moins de sensibilité en fonction de ses expériences, de ses croyances, du contexte et de son état émotionnel.
Ce nouveau modèle comporte deux implications cliniques intéressantes. D’abord, il permet d’envisager un désir sexuel qui se décline sous autant de formes qu’il existe d’individus. Notre désir suit un mode d'éveil et de fonctionnement qui n’appartient qu’à nous.
Ensuite, appréhender le désir de cette manière nous invite à identifier les clés uniques de chaque personne, à rejoindre notre partenaire dans sa singularité. Dans notre exemple, les différences entre les réponses sexuelles des protagonistes posent problème seulement parce qu’ils interprètent les réactions de leur partenaire à travers leur propre grille de lecture.
En thérapie, nous travaillons à envisager cette différence non pas comme un défaut ou une inadéquation, mais comme quelque chose de parfaitement normal.
D’une part, ce travail aide à restaurer la conception sexuelle d’une personne de manière à se voir capable de désir, de luxure et d’énergie érotique. D’autre part, il aide à dépersonnaliser l'absence d’avance sexuelle de la part du compagnon et, par conséquent, à se sentir tout de même séduisant et performant.
Si la différence des désirs est une difficulté persistante dans votre relation, n'hésitez pas à contacter un sexothérapeute conjugal agréé.