La jalousie est un cocktail détonant d’émotions complexes et désagréables qui peuvent parfois mener à une issue tragique, voire meurtrière dans les cas extrêmes. Elle se définit comme un mélange de peur, de colère et de tristesse à l’idée qu’un rival nous enlève ce que l’on ne veut pas perdre. On la confond souvent avec l’envie, qui concerne plutôt le ressentiment éprouvé envers une personne qui possède ce que l’on voudrait avoir.
Vous pouvez ressentir de la jalousie envers une sœur brillante lorsque vous redoutez que sa réussite éclipse l’amour et l’admiration de vos parents, et vous pouvez aussi l’envier pour ses facilités ou ses facultés intellectuelles. Vous pouvez ressentir de la jalousie envers la nouvelle stagiaire de bureau de votre compagnon, même si vous ne trouvez rien à lui envier. Tout comme vous pouvez envier la carrière d’un concurrent sans ressentir aucune jalousie.
Le jalousie est un sentiment inné et universel ; nous allons tous ressentir cet inconfort à un moment ou un autre de notre vie.
Dans sa théorie de l’Evolution, Darwin explique que la Nature sélectionne les individus qui s’adaptent le mieux à l’environnement dans lequel ils vivent, ceux qui développent notamment les meilleures capacités à survivre, à se reproduire et à protéger leur descendance. Ces aptitudes leur permettent d’inscrire et de répandre leur patrimoine génétique bien plus massivement que leur congénères.
Par exemple, dans cette perspective évolutionniste, le cerveau des hommes et des femmes aurait été câblé pour réagir à des formes d’infidélité différentes. A l’âge des cavernes, une femme disposait d’un gros avantage compétitif lorsqu’elle plaçait la fidélité affective de son partenaire au centre de ses préoccupations. Car madame Cro-Magnon avait besoin que son cher et tendre se tienne exclusivement à ses côtés, pendant de longues années, pour l’aider à nourrir et à protéger sa progéniture. Monsieur Cro-Magnon, quant à lui, trouvait un intérêt évolutif tout particulier à se concentrer sur la fidélité sexuelle de sa partenaire. Car son exclusivité sexuelle était le seul moyen de garantir que la famille à laquelle il se vouait corps et âme portait bien ses propres gènes.
Bref, nous sommes les dignes descendants de ceux qui ont été les plus vigilants et les plus enclins à se défendre contre l’infidélité, sur des centaines de milliers de générations. La jalousie fait partie d’un héritage de caractéristiques adaptatives qui s’est généralisé à toute l’espèce humaine.
Ressentir de la jalousie est une réponse naturelle à la perception d'une menace, qu'elle constitue un risque réel ou non.
Notre culture, nos modèles éducatifs, notre personnalité et nos expériences personnelles influencent notre manière de vivre la jalousie de manière ultra déterminante. Car la perception d’un tiers comme un rival menaçant, qu’il le soit réellement ou non, n’est qu’une construction de notre cerveau basée sur les empreintes de notre passé et notre manière de les appréhender. Cette interprétation évolue tout au long de notre vie en introduisant de la nuance dans notre rapport à la jalousie.
Autrement dit, l’expression de notre jalousie est loin d’être la simple résultante de nos prédispositions biologiques. Notre fonctionnement est beaucoup plus complexe que cela.
Pour comprendre ce qui éveille et intensifie la jalousie en tout un chacun, nous devons également prendre en compte l’incroyable plasticité de notre circuiterie cérébrale dans la manière dont on se représente le monde, les relations et les dangers qui nous entourent. Des facteurs développementaux et sociocognitifs interviennent ainsi depuis notre naissance pour produire d’énormes différences interindividuelles.
Votre jalousie est indissociable des histoires que vous vous racontez.
Quelles idées, quels messages, quelles convictions entretenez-vous au sujet de la fidélité ? Dans quelles expériences votre représentation des choses a-t-elle pris ses racines ? Quel est le récit que vous vous répétez sur votre vie, sur votre partenaire, sur les relations en général ?
Identifiez l’origine de votre malaise. Est-il lié directement aux faits ? Ou plutôt au scénario obscur que vous alimentez en interne ? Quelles sont les pensées qui vous parasitent ? Vous sentez-vous humilié ? Vous sentez-vous rejeté ? Etes-vous inquiet de ne pas être à la hauteur ? Quelle projection vous fait souffrir ? Dans quel récit vous trouvez-vous profondément enraciné ?
En thérapie, nous pouvons analyser la situation en profondeur et travailler à remodeler votre récit personnel pour vous libérer de son emprise douloureuse.
Certains se plaisent à considérer que céder à l’emprise de la jalousie est une preuve d’amour. Il n’en est rien. Vous pouvez éprouvez un amour infini pour votre partenaire sans chercher à le contrôler. Comme vous pouvez éprouver de la colère envers une personne sans céder à la violence. Comme vous pouvez éprouver de la peur sans vous enfuir. Nous ne choisissons pas toujours les émotions ressenties mais nous pouvons choisir notre manière d'y réagir.
La jalousie révèle avant tout un manque de confiance en soi et/ou un manque de confiance en l’autre. Ce sentiment d’insécurité n’a rien à voir avec ce sentiment agréable, réconfortant, respectueux et libre qu’est l’Amour.
Lorsque nous laissons nos pulsions prendre le dessus, nous obtiendrons probablement un résultat à l’opposé de ce que nous espérons pour notre relation. En effet, la jalousie se vit dans l’angoisse, dans le contrôle et dans la suspicion, avec le radar fixé sur le moindre indice qui prouverait que notre moitié n’est pas digne de confiance. Tandis que la personne qui subit la jalousie étouffe sous les accusations injustes, la lutte pour la liberté et les tentatives de nous rassurer. Une pointe d’arrogance ou d’agressivité par-dessus, et on fait des ravages. Finalement, la jalousie risque de nous conduire droit vers la destruction du couple, alors que c’était tout ce que nous souhaitions éviter.
Fort heureusement, la jalousie ne se traduit pas toujours de manière malsaine. Tout dépend de notre manière d’y réagir.
Demandez-vous : Que signifie ma jalousie ? Quelle autre réaction serait plus susceptible de nourrir des sentiments positifs et amoureux à mon égard ? Quelle autre stratégie serait plus efficace pour vivre l’amour sans étouffer mon partenaire ? Quelle autre posture pourrait m’offrir une meilleure estime et confiance en moi ?
En thérapie, Maxime* (dont le prénom a été modifié par respect de la confidentialité) évoquait la manière dont il avait réussi à s’extirper d’une pente glissante à l’occasion d’une sortie avec Chloé*. Lors d’une balade estivale en centre-ville, les tourtereaux avaient repéré une table libre en terrasse. Maxime avait alors proposé à sa chérie de s’y installer, le temps qu’il s’occupe de retirer de l’argent. Il ne fallut pas attendre très longtemps pour que le serveur approche et se mette à taquiner Chloé. Il engageait la conversation avec elle, il la faisait rire.
Au loin, Maxime guettait nerveusement cette altercation. «Je sentais mon cœur s’affoler. Mes mains tremblaient. J’avais l’impression qu’ils flirtaient, juste sous mes yeux. » A priori, la seule envie lui venait à l’esprit était de bondir sur la table en poussant des cris, et de s’enfuir avec Chloé en sac à patate sur son épaule. La situation était mal engagée … Mais il est parvenu à envisager les choses autrement. « Je pouvais plonger dans une humeur infecte et rejoindre Chloé en lui adressant une longue liste de reproches, ou je pouvais me ressaisir et revenir vers eux la tête haute. Je me sens fier de tenir à mon bras cette fille sublime qui attise la convoitise. Si elle m’accompagne, c’est parce qu’elle se sent bien avec moi. J’ai choisi de saluer ce garçon avec élégance, et de profiter de cet instant en amoureux comme nous l’avions prévu. En réalité, j’avais toute son attention. Nous avons passé une super journée.»
Vous pouvez toujours dompter votre esprit pour l’entrainer dans une trajectoire qui vous grandit. A vous de choisir, vous avez les cartes en main.
La jalousie atteint généralement son paroxysme lorsque la relation est instable ou sans amour. Typiquement, nous y sommes plus sensibles lorsqu’un des partenaires a entretenu une liaison extra-conjugale. Ou encore, nous sommes plus susceptibles de la ressentir au début d’une relation, lors de la naissance délicate et incertaine des sentiments amoureux.
On cultive une relation de couple comme on cultive un jardin. Si nous prenons soin de cet espace régulièrement, nous nous y sentons bien. Si nous laissons cet espace se détériorer, l’ambiance finit par devenir menaçante et difficile à supporter. Le meilleur bouclier contre la jalousie sévère est donc d’entretenir la qualité de notre relation.
La jalousie a moins de chance de devenir nocive pour votre couple quand la communication est ouverte et sincère, quand on se rend disponible l’un pour l’autre, quand on fait en sorte que l’autre se sente spécial et apprécié, et quand on respecte nos besoins respectifs. Une thérapie de couple peut vous offrir les outils nécessaires pour travailler dans ce sens.