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L'appétit sexuel au masculin

Briser le tabou sur la perte de désir sexuel chez l'homme.

Comment le comprendre ? Comment y faire face ?

Interview pour le Flair magazine signée Manon De Meersman

Contrairement aux idées reçues, la perte de désir sexuel, aka la libido, touche aussi bien les hommes que les femmes. Pourtant, il semblerait que du côté masculin, ce sujet soit encore considéré – à tort, bien entendu – comme un tabou. Kathleen Lambert, psychologue spécialisée dans les relations affectives et sexuelles, démonte les clichés qui règnent autour de ce concept sociétal de virilité masculine et nous éclaire avec justesse sur ce qui constitue également un mal-être chez l’homme.

Tout d’abord, lorsqu’on évoque la perte de désir, de quoi parle-t-on exactement?

“Le désir est une pulsion, une énergie qui nous fait nous sentir en vie, explique Kathleen Lambert. Cette tension monopolise toute notre attention et oriente nos efforts vers un objet ou une personne en particulier”.

Pour illustrer de quoi il s’agit concrètement, elle nous explique que quiconque a déjà construit une relation longue sait à quel point le désir sexuel, ou la libido, est un animal sauvage qui obéit à ses propres règles.

“Au prélude d’une romance, il vient à nous spontanément. Nous nous laissons parfois duper par son apparence docile. Or, c’est dans la nature du désir érotique de nous échapper; il ne survit pas en captivité. Nous pouvons tout au plus apprendre à l’apprivoiser; préparation et communication sont les deux grands atouts pour y parvenir”, 

explique-t-elle.

Lever le voile sur la perte de désir au masculin

Néanmoins, cette explication cache bien souvent derrière une désillusion, générant une véritable souffrance. En effet, cerner une baisse de désir n’est pas une tâche facile, à un point tel qu’elle se retrouve au cœur des préoccupations de la majorité des personnes se décidant à pousser la porte du cabinet d’un sexologue. “Le manque d’appétit sexuel, contrairement aux idées reçues, touche autant les hommes que les femmes. Tout être humain normalement constitué ressentira inévitablement au cours de sa vie des fluctuations dans son niveau d’intérêt pour la sexualité, explique Kathleen Lambert.

"On pourrait comparer le sexe et la nourriture: il arrive même aux plus gourmands de perdre l’appétit, pour des raisons très variées et pour des périodes plus ou moins longues, sans que cela traduise forcément un trouble sévère dans votre fonctionnement”,

illustre-t-elle.

Et si on évoque que très rarement la baisse de libido chez l’homme, que ce soit dans les médias ou au quotidien, dans une conversation de la vie de tous les jours, cela ne signifie pas pour autant qu’elle n’existe pas, bien au contraire.

Une souffrance double

Il faut dire que le tabou autour de la perte de désir sexuel chez l’homme constitue une réalité bien ancrée de notre société actuelle. Si certains parviennent à vivre en paix avec leur absence de libido ou le fait de ne tout simplement pas aimer le sexe, d’autres en souffrent mais garderont ce secret pour eux. Rares sont d’ailleurs les occasions où vous entendrez la gent masculine s’exprimer sur le sujet… Purement et simplement parce que la plupart du temps, les clichés et stéréotypes du genre se chargeront de donner le change et de masquer cette souffrance, pourtant bien plus commune qu’on aurait tendance à le croire.

“Le tabou règne en maître sur le sujet, nous confirme Kathleen Lambert. Les clichés véhiculés par la société nous font croire qu’un homme se tiendrait en permanence au garde à vous, prêt à saisir la moindre opportunité d’avoir un rapport sexuel. Son désir sexuel brûlant serait l’expression de son individualité, sa virilité, sa condition de ‘’vrai’’ mec, sa capacité à satisfaire une partenaire au lit… « Je désire donc je suis ». N’est-ce pas un tout petit peu réducteur ? Pourtant, cette représentation limitante est toujours bien ancrée dans les codes communs”, 

explique la spécialiste.

Ces clichés instaurent une véritable pression sociale autour du désir sexuel masculin. À un tel point que les hommes qui se retrouvent dans une situation de perte d’appétit sexuel vont se confronter à une souffrance double. D’une part, ils traversent une crise identitaire.

“Les hommes qui me consultent au sujet de cette problématique évoquent régulièrement des sentiments de culpabilité, d’impuissance, de peur et de colère. Ils cherchent bien souvent, en vain, à cacher derrière des solutions médicamenteuses ce qu’ils considèrent comme une invalidité honteuse. Ils s’accrochent à l’espoir de correspondre à une pseudo-norme qui n’existe que dans les films”,

explique Kathleen Lambert.

D’ailleurs, Julien, en proie à une baisse de désir sexuel depuis plusieurs mois dans son couple, confirme les dires de Kathleen Lambert. “J’ai mis du temps à m’avouer que le problème venait de moi, et de personne d’autre. Je me sentais d’abord honteux et déboussolé à la fois, comme si je n’avais plus d’emprise sur mon propre corps. Encore aujourd’hui, j’aspire à ne plus me sentir entièrement coupable de ressentir une telle perte de libido”.

À cela, une autre souffrance se présente à eux. “Ils devront affronter les inquiétudes de leur partenaire, car la personne touchée par ces stéréotypes n’est pas la seule à en souffrir, rappelle Kathleen Lambert. La conjointe, ou le conjoint, plonge, elle/lui aussi, assez facilement dans la dévalorisation et l’anxiété. Je me rappelle les mots de cette patiente en détresse, persuadée que sa vie de couple touchait à sa fin, : « je ne lui plais plus », « il a forcément trouvé mieux ailleurs », « l’amour est mort »”.

Séparer les notions d’amour et de désir

Pourtant, croire que l’amour est mort lorsque le désir sexuel s’éclipse de manière éphémère dans un couple constitue une erreur. Tout simplement parce qu’en réalité et dans l’absolu, le désir et l’amour n’ont rien à voir.

"Ils peuvent coexister au sein d’une relation mais l’un ne garantit jamais l’autre, explique Kathleen Lambert. Ces deux concepts répondent à des besoins fondamentaux tout à fait opposés. L’amour a besoin de sécurité, d’engagement, de liens et de proximité pour évoluer. Alors que le désir est claustrophobe; il a besoin de liberté, d’exploration, d’aventure, de nouveauté et de distance”,

précise la spécialiste.

La fusion vers laquelle nous tendons lorsque nous formons un couple amoureux est l’ennemie du frisson et du mystère dont le désir s’alimente. Esther Perel, auteure belge à succès international, explique justement que ‘’pour maintenir l’élan vers l’autre, il faut avoir une distance à franchir’’.

Pour Julien et sa compagne, opérer la scission entre l’amour et le désir s’est révélé être une tâche terriblement complexe. “Ma femme avait besoin d’être beaucoup rassurée… Et moi aussi. Ce qui a créé une certaine tension puisque l’un comme l’autre, nous avions besoin de mots pour apaiser ce qui nous arrivait. Nous avions toujours vu notre couple comme une fusion tacite entre l’amour et le désir et nous entremêlions les deux à chaque moment de notre évolution, y compris dans nos phases les plus sombres et difficiles”.

Heureusement, selon Kathleen Lambert, il existe des solutions pour opérer un mouvement de balancier subtil entre ces deux extrêmes, de manière à réconcilier le désir sexuel et la vie de couple.

“Instaurez la nouveauté. Créez la surprise. Ajoutez une pincée d’insécurité. Savourez en pleine conscience. En réalité, vos possibilités sont infinies. Si vous souhaitez faire émerger de nouvelles idées personnalisées pour souffler sur les braises du désir et raviver la flamme, sans vous brûler, n’hésitez pas à prendre rendez-vous auprès d’un professionnel chevronné”.

C’est d’ailleurs ce que Julien et sa compagne ont décidé de faire après plusieurs mois d’interrogation. “On sentait qu’il fallait agir et surtout, je sentais personnellement que j’avais besoin qu’on m’éclaire sur ce qui m’arrivait. J’ai alors décidé de consulter. Et une fois ce travail entamé, nous avons pu, avec ma compagne, décider d’un nouvel air à insuffler à notre couple, avec l’aide d’une personne spécialisée en la matière”.

4 précieux conseils pour faire face à la perte du désir sexuel

Parce qu’au-delà du tabou, il faut s’en inquiéter s’il y a un véritable mal-être qui se dégage de la baisse de la libido chez la gent masculine. C’est pourquoi Kathleen Lambert nous donne ses conseils afin de faire face à cette perte de désir sexuel sans y laisser l’entièreté de ses plumes.

1

Avoir des attentes réalistes

Le premier conseil de Kathleen Lambert est tout d’abord de se sentir rassuré à propos de cette baisse de désir sexuel, sur le fait que c’est normal et qu’il n’y a aucune honte à ressentir cela. “Se mettre la pression pour créer l’envie est le meilleur moyen de vous en éloigner. Détendez-vous. Il est normal de vivre des fluctuations dans votre appétit sexuel. En comprenant que le désir n’est pas constant, vous vous offrez la possibilité de vivre votre sexualité avec plus de sérénité”.

Julien confirme d’ailleurs que cette prise de recul vis à vis de sa baisse de libido a énormément joué sur son bien-être à lui, mais également dans son couple. “En consultant une spécialiste, j’ai compris que ce que je vivais n’avait rien de honteux et que le désir apparaissait comme une donnée loin d’être constante; comme pour tout finalement, admet-il. Accepter ce passage à vide s’est avéré tout aussi bénéfique pour moi, que pour ma femme et notre couple”.

2

Prendre connaissance de votre mode d’emploi singulier

“Évitez de suivre les recettes toutes faites… Flop assuré, met en garde Kathleen Lambert.

Explorez plutôt des pistes d’évolution à votre image. Chaque personne est sensible à un panel de facteurs qui lui est propre. Apprenez à mieux connaître votre corps et votre fonctionnement”,

poursuit-elle. Partez à la rencontre des éléments qui influencent votre libido tout au long de la journée. Communiquez-les à votre partenaire”.

3

Consacrer du temps

Pour Kathleen Lambert, nous faisons souvent l’erreur de croire que le désir devrait tomber du ciel. “Offrez-vous mutuellement le cadeau de vous inscrire dans une démarche proactive pour reconnecter vos ardeurs enfouies sous les habitudes et la monotonie, conseille-t-elle. Cela prend du temps de se connecter à notre part d’érotisme et de créer des moments d’intimité qui sortent des sentiers battus”.

4

Séduire, taquiner, aguicher

“Un parfum, un sourire, un compliment, un clin d’œil, un passage chez le coiffeur, une énergie positive, une voix sexualisée, un regard admiratif, une énigme, une bataille de coussin, une invitation à se laisser languir… Retirez votre attention de la fréquence, de la technique ou de la performance; concentrez vous sur le jeu et sur le partage… Et voyez comme l’érotisme s’invite au rendez-vous. Il pourrait même y déposer ses valises”, conclut Kathleen Lambert.

Vous pensez souffrir d’une perte de désir sexuel? N’hésitez pas à en parler autour de vous, que ce soit à vos proches ou une personne spécialisée en la matière, et osez briser le tabou!